Avis N°2019-03 du CMK : Bronchiolite

Avis 2019-03 Bronchiolite

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Avis N°2019-03 du CMK 

Avis du Collège de la Masso-Kinésithérapie du 19 novembre 2019 relatif à la prise en charge du premier épisode de bronchiolite aiguë chez le nourrisson de moins de 12 mois.

Vu la recommandation de bonne pratique publiée le 14 novembre 2019 par la Haute Autorité de Santé (HAS) en partenariat avec le Conseil National Professionnel de Pédiatrie (CNP)

Après avoir débattu avec les experts recrutés par appel à candidature selon les modalités prévues par les statuts du CMK, 

Le Collège de la Masso-Kinésithérapie (CMK) a rendu l’avis suivant :

  • Le CMK note que peu de choses ont changé depuis la conférence de consensus de 2000 sur les recommandations de prise en charge de la bronchiolite.
  • Certains concepts sont avérés, et le CMK partage ces recommandations, mais d’autres sont polémiques car soumises à avis d’experts, et trop peu évaluées, ne permettant pas de trancher.
  • Le CMK déplore que certaines questions soumises aux experts du Groupe de Lecture n’aient pas été reprises dans le texte, ou aient vu leur libellé modifié, les recommandations proposées ne correspondant plus à la question posée. Ceci rend une vision troublée du rôle impartial et de la rigueur attendus d’une institution telle que la HAS.
  • Nous notons également que la plupart des études présentées en kinésithérapie respiratoire sont hospitalières et ne sont pas transposables en ambulatoire, ce qui serait une grossière faute méthodologique. En effet, extrapoler les résultats d’une population hospitalisée, donc plus grave représentant environ 3% des patients atteints de bronchiolite auprès des 97% restants en ambulatoire est une erreur fondamentale en terme de santé publique.
  • Aujourd’hui, aucune étude ne montre l’intérêt de la kinésithérapie respiratoire chez le nourrisson de moins de 12 mois, mais aucune étude non plus ne permet de l’exclure des pratiques de ville.
  • Le CMK note que la HAS conforte le kinésithérapeute dans son rôle de veille sanitaire et d’éducation parentale, en cabinet de ville, dans les réseaux, ou au sein des CPTS.
  • En général, la formulation de la HAS en l’absence de preuve ou dans le cadre de l’absence de consensus, est prudente et se traduit par « option thérapeutique » ou « possible recours », formules non retrouvées dans ces nouvelles recommandations.  
  • N’oublions pas que dans son avis, la HAS limite son propos au nourrisson de moins de 12 mois pour un premier épisode de bronchiolite, et précise bien dès le préambule « Ces recommandations ne concernent pas les enfants de plus de 12 mois et les épisodes récurrents de gêne respiratoire sifflante. »
  • Le CMK émet une inquiétude sur le risque de sur-fréquentation des services d’urgence si le kinésithérapeute disparait des recours possibles.
  • Le CMK proteste contre le traitement médiatique qui a parfois été fait de ces recommandations, dans une recherche permanente de sensationnalisme et de polémique et recommande vivement de résister à toute imposture méthodologique et intellectuelle.
  • Enfin, sur un plan méthodologique, le CMK trouve  que le manque de représentant.e des patients au sein du groupe de travail, est une faiblesse de cette recommandation, sise pourtant sur une méthodologie de « recommandation pour la pratique clinique » qui suppose la présence de patients. Dans la transformation vers une pratique factuelle qu’a entamée la profession, se priver des des trois piliers de l’Evidence based practice est aberrant. Ce sont les parents, en nous confiant l’évaluation de leurs enfants,  en constatant l’amélioration de leurs symptômes, qui participent à l’évaluation de nos bonnes pratiques professionnelles, dans nos cabinets, dans les réseaux de soins, au sein des CPTS etc.  Ils n’étaient malheureusement pas présents pour témoigner de la confiance qu’ils tissent avec leur kinésithérapeute et du projet partagé de l’assurance d’une continuité des soins, dans leur meilleure qualité, dans la plus grande sécurité pour  nos  petits patients.

Argumentaire :

La lecture des recommandations s’est faite selon le niveau de ces recommandations : 

Grade A : Fondée sur des études de fort niveau de preuve (niveau de preuve 1) : essais comparatifs randomisés de forte puissance et sans biais majeur ou méta-analyse d’essais comparatifs randomisés, analyse de décision basée sur des études bien menées.

Le CMK est en accord total avec ces recommandations, en particulier concernant la kinésithérapie : Les techniques de kinésithérapie respiratoire par drainage postural, vibration, clapping sont contre indiquées dans la bronchiolite aiguë. Il est à noter que ces recommandations avaient déjà été émises par la profession au décours de la première conférence de consensus sur les techniques manuelles de kinésithérapie respiratoire en 1994.

Grade B :  Fondée sur une présomption scientifique fournie par des études de niveau intermédiaire de preuve (niveau de preuve 2), comme des essais comparatifs randomisés de faible puissance, des études comparatives non randomisées bien menées, des études de cohorte.

La kinésithérapie respiratoire par augmentation de flux expiratoire (AFE) n’est pas recommandée chez le nourrisson hospitalisé. 

Le CMK est d’accord pour dire que la kinésithérapie de désencombrement bronchique n’est pas indiquée pour les nourrissons hospitalisés. En effet, on a affaire à des nourrissons les plus graves et fragiles pour lesquels la limitation des interventions est souhaitable

Le CMK ne valide pas la réduction de la kinésithérapie respiratoire au seul désencombrement et à une seule technique, ici l’AFE. 

Ceci revient à occulter les autres techniques, et en particulier les techniques expiratoires lentes ou prolongées ELPr, ou aux techniques manuelles ou instrumentales permettant une meilleure ventilation distale.

Grade C : Fondée sur des études de moindre niveau de preuve, comme des études cas-témoins (niveau de preuve 3), des études rétrospectives, des séries de cas, des études comparatives comportant des biais importants (niveau de preuve 4).

Le CMK est d’accord avec les recommandations, et tient à préciser les points suivants :

La prise en charge en soins primaires est la règle, le recours hospitalier se justifie au cas par cas après l’évaluation clinique par le médecin de premier recours. Le kinésithérapeute se place dans la chaine de premier recours.

La désobstruction des voies aériennes supérieures est nécessaire pour optimiser la respiration du nourrisson, 

Aucune technique de désobstruction n’a démontré une supériorité par rapport à une autre, mais les aspirations nasopharyngées ont plus d’effets secondaires et ne sont pas recommandées. Ainsi, le kinésithérapeute a-t-il toute sa place dans l’éducation de ces gestes auprès des parents.

Grade Avis d’Expert : En l’absence d’études, les recommandations sont fondées sur un accord entre experts du groupe de travail, après consultation du groupe de lecture. L’absence de gradation ne signifie pas que les recommandations ne sont pas pertinentes et utiles. Elle doit, en revanche, inciter à engager des études complémentaires.

Le CMK rappelle que ces recommandations sont tirées d’avis d’experts. Parmi ces 17 experts, nous notons la présence de 7 médecins hospitaliers, 7 médecins libéraux et 3 kinésithérapeutes. 

Nous souhaitons attirer l’attention sur le fait que les médecins hospitaliers ont peut-être une vue biaisée de la prise en charge ambulatoire de ces nourrissons, les populations hospitalières et ambulatoires étant bien différentes en termes de gravité.

Nous pensons également qu’il est discutable de requérir l’avis d’expert pour un cadre dans lequel il n’officie pas

Il est à noter, qu’au-delà des avis d’experts du Groupe de Travail, il y avait des avis d’experts du Groupe de Lecture, 103 personnes ayant validé 64 questionnaires.

En particulier, ces experts ont donné des avis sur les points suivants :

– Recommandation 43 :

La kinésithérapie respiratoire par AFE n’est pas un traitement systématique de la bronchiolite aigue du nourrisson.

Moyenne à 7.59 et médiane à 9.

Le CMK est d’accord pour dire que la kinésithérapie respiratoire ne doit pas être systématique, mais que sa prescription doit être laissée à l’avis du médecin.

Notons que le texte a été modifié pour devenir « la kinésithérapie respiratoire n’est pas indiquée dans la bronchiolite aigue du nourrisson ». 

Ces deux formulations ne sont pas équivalentes, la seconde présentant un risque majeur que soit exclue comme option de traitement la possibilité de recourir au kinésithérapeute.

– Recommandation 45 : 

La kinésithérapie respiratoire par AFE peut se discuter chez l’enfant ayant une toux inefficace.

Moyenne à 7.17, médiane à 8

Cette recommandation n’apparait pas en ces termes dans la liste.

– Recommandation 46 : 

La kinésithérapie respiratoire par AFE pourrait être un recours thérapeutique possible pour les nourrissons ayant une forme modérée pris en charge en ambulatoire.

Moyenne à 7.15, médiane à 8.

Cette recommandation a disparu du texte final.

Le CMK a du mal à retrouver des recommandations claires quant au recours au kinésithérapeute. En effet, il est dit que l’on souhaite « La formalisation d’un réseau pédiatrique libéral de second recours et/ou une régulation pédiatrique dédiée à la BAN pour les médecins de soins primaires et soignants permettrait d’optimiser le parcours de soins, selon l’organisation locale et territoriale. Ex. : ligne téléphonique médicale dédiée, télémédecine… » et on précise « Le médecin de soins primaires s’assure de la mise en place des mesures éducatives et de surveillance adaptées à l’évaluation du nourrisson par les professionnels de premier recours et les réseaux bronchiolite » c’est-à-dire entre autres, les kinésithérapeutes faisant partie des réseaux formels, ou en cabinets spécialisés. Ceux-ci assurent la permanence des soins.

Les recommandations précisent également que « Le réseau de soins de second recours est sollicité en cas d’urgence, de la nécessité d’une vigilance accrue quotidienne comprenant jours fériés et WE, ou d’incertitude sur la conduite à tenir. Ce réseau de soins ne se limite pas à l’hôpital et dépend des organisations locales et territoriales. Les communautés professionnelles territoriales de santé, une fois installées, pourront jouer un rôle dans le circuit patient et l’adressage de recours ». Les kinésithérapeutes sont très impliqués dans les CPTS créées ou en cours de création, et leur rôle dans la permanence des soins est effective.

Par contre, il est précisé « en l’absence de données, la kinésithérapie respiratoire de désencombrement bronchique n’est pas recommandée en ambulatoire. Il est nécessaire d’évaluer les techniques de modulation de flux en soins primaires par une étude randomisée et son impact sur le recours hospitalier. » Le CMK est bien d’accord pour que des études soient menées. Cependant, il faut noter que la mise en œuvre d’études cliniques de qualité en ambulatoire est complexe. Il faut un groupe témoin, et une allocation aléatoire en double insu. Il y a quelques années, ce type d’étude avait été proposé, avec une réticence des pédiatres, considérant que l’allocation au groupe témoin était une perte de chance pour le nourrisson.

Conclusion :

Le CMK souhaite en premier lieu que soit évaluée l’innocuité des techniques de désencombrement car nous avons encore entendu parler de « fractures de côtes » à la radio, rapportant toujours les mêmes études (Chalumeau 2002, Chanelière 2006) : la première rétrospective et cherchant à établir un lien de causalité, donc très discutable sur le plan méthodologique ; la seconde au sujet de 2 cas, plutôt une présentation de cas clinique. Par-contre, l’étude Fraconou (Chapuis 2009) qui n’a relevé aucune fracture de côte sur 4103 séances réalisées n’est jamais citée. On reproche aux kinésithérapeutes de ne pas faire d’études ou d’évaluations de leurs pratiques, mais lorsque celles-ci sont faites, elles ne sont pas intégrées au débat.

L’utilité du désencombrement devra également être évalué, mais peut être avec des marqueurs supplémentaires que le seul non-recours à l’hospitalisation. Des signes fonctionnels comme la reprise d’une alimentation normale, d’un sommeil normal, la disparition des vomissements, pourvoyeurs d’angoisses parentales et donc de consultations médicales supplémentaires… Une question intéressante serait également le taux de rechute et l’incidence de l’apparition de l’asthme du nourrisson entre un groupe suivi et un groupe non suivi.

Enfin, il nous semble étrange que l’on promeuve la kinésithérapie respiratoire chez de très jeunes nourrissons asymptomatiques (prise en charge de la mucoviscidose dès le dépistage, c’est-à-dire vers 1 mois de vie), et que l’on freine son recours pour des pathologies respiratoires symptomatiques.

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